COLLEGE DES GENERALISTES ENSEIGNANTS DE CHAMPAGNE ARDENNE

CNGE

2012 Créteil : un atelier Communication et ETP

Dominguez

17/05/2015

Source

ATELIER 5 : Place et spécificités des habiletés de communication lors de l’éducation thérapeutique et leurs apprentissages

Animation : Brigitte SANDRIN et Cécile FOURNIER Assistants : Hervé MANGIN et Christine PIOT Rapporteurs : Myriam BRUN-VALICON et Jean-Noël BEIS

1- Problématique exposée par les animateurs de l’atelier

Après avoir fait connaissance avec une personne (Jeannot) dans différentes dimensions de sa vie, l’objectif de l’atelier est d’échanger sur les habiletés de communication requises par le soignant dans une relation éducative avec cette personne et de les mettre en pratique dans une situation simulée.

2- Matériel et méthodes

L’atelier est divisé en quatre temps :
-  1. Présentations Les chaises des participants et des deux animatrices sont disposées en cercle dans la salle. Il y a tout d’abord un tour de table afin de permettre à chacun de se présenter. Les participants sont des internes, des chefs de clinique universitaires, des médecins généralistes dont certains maîtres de stage, des chargés de cours de médecine générale, médecins spécialistes d’organe, un chirurgien-dentiste et une infirmière.

-  2. Visionnage de film Projection d’un court-métrage d’une dizaine de minutes : « Jeannot le bienheureux ». Agé de 71 ans, Jeannot est un retraité, ancien cuisinier puis artisan charcutier traiteur qui vit maintenant à la campagne avec son épouse et entouré de ses enfants et petits-enfants. Ce bon vivant, chasseur, pêcheur, s’occupe de son jardin et de ses animaux (poules, canards, lapins...). Sa vie est entièrement organisée autour des plaisirs de la table et de la convivialité.

-  3. Travail en groupes Considérant que Jeannot est diabétique de type 2 et que son diabète est déséquilibré, il est demandé aux participants de se mettre en groupes pour réfléchir sur les conseils qu’ils prodigueraient au médecin pour prendre en charge le patient Jeannot qui va leur être présenté (ce qu’il doit faire ou dire et ce qu’il ne doit pas faire ou dire). Les participants sont divisés en 4 groupes de 4 à 5 participants avec rapporteur, ils disposent d’un temps de discussion d’environ 20 minutes, suivi d’une mise en commun générale, idée après idée, notées sur paper-board.

-  4. Jeu de rôle Les animateurs proposent un jeu de rôle, en demi-groupes (2 jeux de rôle en simultané à chaque extrémité de la salle) : chaque animatrice joue le rôle de Jeannot et chaque demi-groupe de participants celui du médecin. 7 chaises sont alignées face au groupe des « médecins », les chaises des extrémités portent d’un côté une pancarte rouge et de l’autre une pancarte verte. Au début de la consultation, Jeannot est assis sur la chaise voisine de la chaise rouge. Il vient consulter pour son diabète de type 2 car il a eu des examens qui montrent une HbA1c à 8,5 et cela inquiète sa femme, qui lui dit qu’il « va dans le mur ». Le but du jeu est que Jeannot puisse se rapprocher le plus possible de la chaise verte. Chaque participant peut prendre la parole pour interagir avec Jeannot. Si les interactions avec « le médecin » lui donnent envie de prendre un peu plus soin de lui, Jeannot se déplace vers la chaise verte. Sinon, il peut reculer vers la chaise rouge ou bien ne pas bouger. L’objectif est de trouver la meilleure façon de s’y prendre avec Jeannot afin de l’accompagner dans son changement. En effet, Jeannot est venu de lui-même mais sur un mode réticent. Les participants tenteront de déterminer, dans le dialogue avec Jeannot, ce qui peut renforcer ou atténuer sa réticence. A la fin du jeu de rôle, une discussion permet aux participants et à l’animatrice de chaque groupe d’échanger sur l’intérêt de ce type de jeu de rôle dans la formation de soignants.

3- Points marquants de l’exposé des animateurs

Les participants sont immergés d’emblée dans la situation, après un temps bref de présentation les uns aux autres, et y ont un rôle actif tout d’abord sur le plan émotionnel, puis il leur est demandé un travail plus analytique. Les animatrices ont eu un rôle facilitateur, afin de faire émerger les réponses des participants. Les réponses reportées ici sont donc une mise en commun entre les animatrices et les participants à l’issue du jeu de rôle. Les conseils donnés au médecin, lors de la mise en commun après le travail de groupe, sont divisés en 2 catégories :

Ce que le médecin doit faire : se centrer sur le patient et ses représentations de sa maladie, alors que sa vie est articulée autour de la « bonne » santé ; s’appuyer sur ce qu’il dit, sur ce qu’il est prêt à faire dans la prise en charge de son problème, rechercher s’il se plaint de quelque chose, s’il a des craintes, s’intéresser à son mode d’entrée dans la maladie, explorer son histoire de vie, explorer ses projets, ce qu’il pourrait faire, renforcer ce qu’il fait de positif dans la vie (chasse, danse) ; demander ce que signifie pour lui une Hb glyquée à 8,5% ; proposer d’impliquer son épouse ; utiliser un langage adapté et vérifier la compréhension.

Ce que le médecin ne doit pas faire : dramatiser, se focaliser sur les chiffres, banaliser, juger, faire peur, faire pression, interdire, asséner un conseil, parler de régime qui peut être vécu comme restrictif, axer la communication sur l’alimentation.

Dans le jeu de rôle, les constats ont été les suivants :

Certains participants se sont rendu compte qu’ils ne laissaient pas assez de place pour accueillir les émotions de Jeannot, pour lui montrer qu’ils avaient entendu les difficultés qu’il rencontrait, et pour valoriser ses ressources, les choses positives qu’il faisait déjà. Savoir accuser réception des états d’âme du patient lui permet de se sentir reconnu dans son individualité. L’attitude naturelle des médecins est celle d’un enquêteur, pour ne pas passer à côté d’un élément important. Or il est important de reformuler les réponses du patient, sans mettre en exergue ce qui ne va pas mais en mentionnant l’ambivalence de l’attitude du patient. Une posture empathique avec un renforcement positif de ce que fait déjà le patient est fondamentale, en se plaçant sur le registre du patient et non sur celui du médecin : « Vous avez peur de perdre votre qualité de vie... », ou « Pour vous, la nourriture est à la fois source de plaisir et d’inquiétude... ».

La reformulation est une bonne technique de communication (faire attention à avoir la voix qui baisse à la fin de la reformulation ; si la voix monte, cela devient une question). Le principe consiste à mettre le patient dans une situation active. Mais la reformulation est souvent suivie immédiatement d’une nouvelle question, et dans ce cas elle peut paraître « utilitariste ». L’accumulation de questions pour tenter de « rendre Jeannot acteur », pour lui faire exprimer ses solutions, peut lui donner envie de se replier sur lui-même et générer des résistances. Pour une communication efficace dans un objectif de changement de comportement, il faut éviter à tout prix de donner des conseils. « Le conseil est centré sur celui qui le donne, et l’éducation est centrée sur le patient. » L’une des pistes à suivre est que Jeannot vienne avec son épouse lors de la prochaine consultation pour l’accompagner dans son alimentation. Pour recentrer, l’animatrice nous fait observer ce que Jeannot est prêt à faire. Et nous demande de trouver la synthèse de la consultation, qui consistera à évaluer ensemble (médecin et patient) et convenir : « Si j’ai bien compris, vous seriez d’accord pour revenir avec votre épouse pour convenir ensemble de ce que vous pourriez faire ».

Discussion sur la méthode pédagogique du jeu de rôle où le « patient » (animateur) se déplace entre la chaise rouge et la chaise verte :

Elle est intéressante pour réfléchir à une prise en charge éducative car elle permet une visualisation très concrète et pertinente de la manière dont les interactions peuvent être vécues par le patient. Elle permet de s’intéresser autant au contenu des choses abordées qu’à la manière de communiquer. Elle est économe en temps car chacun peut tester quelque chose dans un temps plus court que si chacun jouait un jeu de rôle. Le fait que le médecin soit joué collectivement rend les interventions moins intimidantes et les participants s’exposent moins que dans un jeu de rôle. Il est possible de rebondir ou de se positionner par rapport aux interventions des autres.

Mais elle présente aussi des limites : contrairement au théâtre forum, où celui qui joue le médecin va au bout de son jeu jusqu’à ce qu’il décide de passer la main, les interventions sont ici plus juxtaposées. Les « médecins » sont multiples et interviennent successivement, d’où une accumulation artificielle de questions. Certains participants sont gênés car cela ne leur permet pas de mener l’entretien complètement comme ils en ont l’habitude, et de prévoir ainsi un ensemble d’interventions progressives.

4- Commentaires divers

Accompagner les médecins vers un changement de pratique pour intégrer une démarche éducative à leur consultation semble déjà grevé d’obstacles, la tendance naturelle étant de donner des conseils. Que penser du changement de comportement de nos patients ? D’où l’importance d’acquérir ces compétences dès le « berceau » des études.